Presse-Christophe-de-Quenetain-La-Gazette-Druout-mars-2018

La Gazette Drouot

2018

Agathe Albi-Gervy, « Christophe de Quénetain, un Français à la TEFAF », La Gazette Drouot, 9 mars 2018, pp. 20-23 :

« Nouveau membre du comité exécutif et du conseil d’administration de la manifestation, cet homme discret incarne la relève. Antiquaire, il est aussi auteut de deux thèses. Cet administrateur avisé nous livre ses amibitions pour la foire.

Qu’est-ce que vos compétences universitaires, puisque vous êtes docteur en histoire de l’art, apportent à l’exercice de votre métier de marchand ?

Je n’ai jamais voulu devenir chercheur ou professeur Au contraire, j ai toujours aimé le côté stimulant du «marchand de tapis». Et l’évolution du marche semble me donner raison après une baisse du niveau des connais- sances au sein de notre profession, de nouveaux marchands, à la formation très classique, émergent Pour les très gros clients internationaux, avoir soutenu une thèse est un gage de qualité et de professionnalisme Cela les amuse aussi ils me prennent pour un original qui passe ses matinées aux archives et ses après-midis devant ses oeuvres Comment s’organise votre activité de marchand en chambre, entre Londres et Paris ? Depuis environ deux ans. je passe davantage de temps a Londres, car elle est la place mon- diale du marché de l’art ancien Le P-D-G et un certain nombre de membres du comité exe cutif de la Tefaf y sont bases Maîs mon bureau, c’est mon téléphone. Je travaille seul et préfere exercer en chambre pour conserver ma liberté, ct garder certains objets secrets jusqu’à l’ouverture des foires. Les clients mesurent ainsi la plus-value que les marchands leur apportent Ce caractère inédit, la Tefaf veut l’accentuer dans les editions a venir Vos contacts avec les musées internationaux sont impressionnants.

Comment avez-vous construit ces relations avec le monde de la conservation ?

Dans les pays anglo-saxons, les societés scientifiques, comme la French Porcelain Society ou la Victonan Society, sont très actives, elles publient, et organisent de véritables symposiums, pour lesquels tous les conservateurs des domaines concernés font l’effort de se déplacer ce que l’un ne voit malheureusement pas vraiment en France Le fait d avon des compe tencesscientifiquesfaciliteconsidérablement les rapports avec cette communauté.

En quoi la Tefaf se différencie-t-elle des autres foires comparables ?

Par sa commission d’expertise, la meilleure au monde, perpétuellement renouvelée, qui compte les plus grands conservateurs et professeurs d’histoire de l’art Le nombre d’exposants ou d’antiquaires siégeant dans cette commission a d’ailleurs éte drastiquement diminué. Autre avantage, comme la foire se déroule à Maastricht les visiteurs doivent organiser leur sejour e est un vrai rendez vous Ils n y passent donc pas qu un après- midi maîs restent au moins deux jours II y a un cote « Davos version histoire de I art ». Les foires londoniennes sont elles plus faciles d’accès donc les collectionneurs y passent s’ils ont le temps A la Tefaf, les conserva leurs ayant des projets d exposition peuvent venir en discuter avec les marchands qui en parlent a leurs clients La communication entre les visiteurs permet des passerelles entre les différents acteurs du monde de I art

Votre nomination au pôle de direction de la Tefaf est-elle un signal au marché français, ainsi qu’aux jeunes marchands ?

C’est peut etre effectivement un message envoyé a la jeunesse Cela se voit d ailleurs dans le renouvellement du comite de direc lion, avec I arrivée de Jorge Coll, Franck Prazan ou Christian Hemmerle L equipe fonda- trice de la Tefaf fait confiance a la jeune gene ration ses marchands n ont pas de problème d’ego ils sont tres attaches a la foire et sont heureux de nous avoir demande de venir Ils encouragent un certain dynamisme

Quels sont les projets et les priorités de cette nouvelle equipe ?

Nous avons beaucoup d idees ‘ Et souhaitons faire aussi bien que l’équipe précédente dans un monde différent dans un marche qui s oriente toujours plus vers le haut du seg ment et avec une clientele qui a évolue Maastricht doit rester Maastricht, maîs nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers la concurrence existe, surtout pour l’art moderne La qualite des œuvres exposées doit être toujours plus grande Dans le courant de l’annee nous serons en mesure d’annoncer quelques axes Par exemple nous voulons lenforcer la dimension internationale de la foire – ce qui passe par un nouveau site Internet Dans le futur Maastricht la «foire mère» pourrait s’implanter dans d autres villes avec lesquelles elle formerait une seule et unique entité Dans ce cas les comites de selection, les sponsors et l’identité publicitaire devront être organisés au niveau global dans le but de conserver un niveau de qualite homogène.

Les galeries américaines sont de plus en plus présentes a Maastricht. Est-ce consécutif à l’implantation delaTefafàNewYorken2016?

«Tefaf» étant une marque globale il est souhaitable que les exposants de I edition new yorkaise viennent aussi a Maastricht Les deux foires doivent se nourrir mutuelle- ment et les marchands doivent penser collée tivemcnt Nous voulons qu ils se donnent du mal, reservent leurs meilleures pieces pour la Tefaf et persuadent leurs clients de les accompagner

La très grande majorité des nouveaux exposants sont tournés vers le XX* siècle, voire l’art contemporain. Est-ce une nouvelle orientation de la manifestation ?

Je croîs qu aucun grand marchand en art ancien ne manque à Maastricht Or pour le moment, il n y a pas encore de nouveau gale nste dans ces catégories, du niveau qualitatif de la Tefaf, sinon il aurait ete naturellement choisi Le comite n’a absolument pas défini de nouvelle orientation vers le moderne et le contemporain , il veut simplement renforcer la qualite dans cette section, et les resultats se sont déjà vus en peu de temps aux editions new yorkaises

Aucune volonté, donc, de prendre des parts de marché aux foires mastodontes de l’art contemporain, telle Art Basel ?

Non, car pour ces tres grands marchands une foire de plus ne représente pas grand chose Quand on voit que David Zwirner com mande a Renzo Piano un immeuble a SO M$ en plein New York je pense qu’il peut gerer quinzefoiresparan MaîslaTefafne\eutpas se multipliei Si Art Basel est commeiciale la Tefaf est une fondation, une foire créée par les marchands, pour les marchands Son but n’est pas de gagner de l’argent

Vous avez renouvelé, en décembre, votre partenariat avec la ville de Maastricht. La polémique n’a donc plus lieu d’être ?

Il n’y a jamais eu de polémique Seuls un ou deux marchands qui n’étaient pas dans les instances dirigeantes ont évoque un éventuel déménagement de la foire maîs la direction n a jamais eu l’intention de chercher un nouveau site Le bail était simplement arrivé a son terme Nous sommes tres contents d’être a Maastricht, car, la ville étant difficile d’accès, les visiteurs y restent deux jours Ce qui était une faiblesse est devenu un avantage. La ville et la région se sont par ailleurs engagées a développer considérablement le nombre de chambres d’hôtels, l’aéroport et les navettes

Comment justifiez-vous l’abandon des rapports annuels de la Tefaf sur le marché de l’art ?

Le Tefaf Report a ete abandonne en raison des trop grandes dispantes dans les modes de calculs avec Art Basel Nous nous sommes simplement demande si nous n’avions pas intérêt a terme, a avoir d’autres projets étant donne la nature même de la Tefaf, une foire créée pai des marchands L’idée était bonne, au point qu Art Basel a débauche l’auteure du rapport Gare McAndrcw Maîs combien de personnes lisaient le rapport de la Tefaf, hormis les journalistes du marché de l’art. Nous nous orientons donc vers des bilans plus cibles Le premier publié en mai prochain a I occasion de la Tefaf New York Spring aura pour titre The Art Market Report focus on Art Finance. »