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Point de Vue

2018

Marie-Eudes Lauriot Prévost, Caroline Mardon, « À Londres chez Christophe de Quénetain Figure de styles », Point de Vue, n° 3633, 7 mars 2018, pp. 50-54 :

« Au bord de la Tamise, ce spécialiste des belles choses du XVIe au XIXe siècle s’est composé un intérieur très français. À 43 ans, il s’apprête à vivre sa cinquième TEFAF et à prendre la présidence de la section Antiquaires de la prestigieuse foire d’art qui ouvre le 10 mars à Maastricht. On ne fait pas un tour dans la galerie de Christophe de Quénetain et pour cause, il n’a pas pignon sur rue. Pourtant, ce marchand français de 43 ans sera dans une semaine le nouveau président de la section Antiquaires de la TEFAF. Au sein de cette foire d’art mondialement réputée qui couvre 7000 ans de l’histoire de l’art, elle représente le plus gros bataillon des 270 exposants rassemblés à Maastricht, aux Pays-Bas. «Ben Janssens, le marchand d’art asiatique qui occupait jusqu’à présent le poste m’a demandé de lui succéder. La TEFAF m’a tant apporté, qu’il me semblait normal de lui redonner un peu. Par son fonctionnement associatif, une foire de marchands gérée par des marchands, c’est à nous de faire en sorte qu’elle soit encore la première au monde dans vingt ans », témoigne ce chaleureux Breton élevé en Alsace dans une famille de militaires. «Personne chez moi n’était dans le milieu de l’art. J’y suis d’ailleurs venu sans pré- méditation», précise-t-il. Mais en prenant son temps, le jeune homme commence par des études de droit, enchaîne par l’École du Louvre dans l’idée de devenir commissaire-priseur, puis bifurque par l’École Boulle, pour parfaire ses connaissances techniques, et l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN), his- toire de voir. Deux thèses plus tard, l’une consacrée à Pierre Garnier, ébéniste précurseur du style Louis XVI, l’autre à Nicolas Besnier, directeur de la Manufacture royale de tapisserie de Beauvais sous Louis XV, le voilà à pied d’œuvre, spécialiste en mobilier et objets d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. «Plutôt que d’avoir une galerie, je travaille sur rendez-vous, ce qui me laisse le temps de continuer mes recherches et de l’énergie pour bien acheter. J’ai besoin de ces deux facettes. D’ailleurs, les clients sont de plus en plus sensibles à l’histoire de l’objet. » Son plaisir : traquer l’objet mal catalogué dans les ventes pour lequel il retrouvera une appartenance ou une estampille prestigieuse. Illustration à l’automne dernier lors de la deuxième édition de la TEFAF New York, où il a fait l’événement avec un chat bleu en porcelaine de Chine posé vers 1750 sur un coussin de bronze doré fait à Paris qui s’est avéré après son enquête avoir côtoyé Madame de Pompadour elle-même. De Londres, où il s’est installé par commodité, Christophe de Quénetain a adopté un style british avec ses costumes du Savile Row des années 1970 taillés dans des laines comme on n’en fait plus, qu’il fait retoucher à ses mesures à Paris. Pour éviter le piège du total look, la cravate vient de chez Marinella, à Naples, et les chaussettes rouges, à n’en pas douter, du Romain Gammarelli, le fournisseur du Vatican. Son appar- tement mêle lui aussi ses époques de prédilection et des souvenirs de famille, à la lisière du quartier de Westminster. La Tamise est de l’autre côté de la rue, la Tate Britain et le Chelsea College of Art and Design gurent parmi les pro- ches voisins. Dans le salon côté sud, la commode de bois sombre et rocailles achetée comme un meuble du XIXe s’est révélée provenir de l’atelier de Boulle de Sève, le ls le plus talentueux d’André-Charles Boulle. Le grand panneau de soie brodé à Macao au XVIIe siècle occupe tout un mur face à une console en bois doré surmontée d’un portrait de François Péan de la Ville- Hunault, un ancêtre de Christophe, peint par Nicolas de Largillierre en 1702. Au bout du couloir, c’est le royaume de la petite Victoire, sa lle, dont la chambre décorée à main levée par l’illustratrice Caroline Hélain donne vie à un joyeux bestiaire rose fluo.

À Maastricht cette année encore, Christophe de Quénetain fera stand commun avec la galerie Aveline de Marella Rossi. « Nous avons com- mencé ensemble il y a cinq ans, et j’aime bien la touche de modernité qu’elle apporte volontiers en invi- tant l’art contemporain dans l’aven- ture. Cette fois, ce seront les bulles de verre de Loris Cecchini. Et nous avons demandé au décorateur Charles Zana d’orchestrer l’ensem- ble pour montrer à quel point le style XVIIIe siècle peut être agréable à vivre.» L’appartement de Londres en est déjà la parfaite illustration. »